Concepteur d'image Calligraphie Malgré un intêret flagrant pour le narcissisme, l'artiste préfère ne pas étaler ici l'étendue sans horizons de sa culture et vous souhaite un bon diaporama. Merci pour lui

7.26.2012

Singapour Sling


Le soleil, comme chaque midi, était à son apogée astrale. Affalée sur son transatlantique, Lily-Rose gagnait mentalement l’embouchure de l’Hudson River. Une sieste en guise de traversée, quelques dauphins entrecoupés de légers ronflements. Face à la mer en cette journée d’été, le bruit des vagues proposait un décor sonore propice à l’envolée mentale. Peu d’effort à fournir pour plonger dans un rêve de vagues et d’écume. Les orteils plantés dans un sable brulant, Lily Rose puisait, au centre de cette plage, l’imagerie pour une songerie en pleine mer. A coté d’elle, à proximité de sa main devenue feignante sous cette chaleur croulante, une pile de livre et un Singapour sling. Elle trimbalait toujours dans ses après midi d’évasion, une glacière, un vieux sac à dos plein de bouquins et sa chaise aussi longue que le littoral désert. Elle marchait d’interminables heures entre les couteaux pour se couper du monde. A bout d’un souffle de plusieurs kilomètres, les pieds câlinés par les chatouilles des vagues, elle se posait au hasard d’une dune. Toujours en hauteur pour dominer le spectacle. Elle défaisait le nœud de son havresac rendu magique par la poudre de plage. Quelques grains de sable entre les pages et la lecture prend vite des allures de vacances parfaites. Une fois confortablement installée dans son relax, rassurée, à l’aide d’un coup d’œil panoramique de l’absence totale de vie humaine, elle plongeait dans sa glacière. La différence de température qu’offrait son mini bar ambulant était délicieuse et remuait son corps d’une lame de frissons.

Créé aux alentours de 1915 par le célèbre barman Ngiam Tong Boon, le Singapour Sling est un cocktail de type Fancy drink. Fancy, dans sa traduction de fantaisie, souligne l’originalité dans la composition du breuvage. Dans les hotels Raffle ou travaille Ngiam, son invention fait tout de suite sensation. A la fois subtil et riche en arômes, on peut le déguster allongé d’un jus d’ananas ou d’une eau pétillante.
Lily-Rose connaissait par cœur les dosages à respecter. Le Sling de son cocktail ne tombait jamais dans la vulgarité d’un string. Toute la sexualité du philtre, à chaque gorgée, renvoyait les autres cocktails au rang de simples tisanes. Douze centilitres de pure merveille rouge sang. Un contraste évident et splendide avec la dominance bleue de l’océan, prit en flagrant délit de siroter un ciel innocent.
Le bob vissé sur sa tête la protégeait à peine des spasmes ultraviolets.
A mi verre, elle glissait sa main dans son sac à livres pour en sortir un au hasard de la pioche. Le marque page glissé dans l’heureux élu « Le pain nu » indiquait la quarante huitième. Mohamad Choukri était un de ses auteurs favoris, massacrés par la vie, rongé par de multiples addictions sans jamais trouver celle qui conduit au bonheur. Un style d’écriture proche de la scarification, avec des cicatrices plein le stylo et des marques de brulures de cigarettes. Pas le temps ni l’envie de s’attarder sur la couleur des rideaux, ni sur cette main qui trop souvent, sous des plumes maladroites, arrange une mèche de cheveux. Des mots comme des globules rouges, indispensables à la vie.

Le parfum cerise de son cocktail dénotait agréablement avec son paysage. Un petit point rouge perdu au milieu d’une immensité de beige. Un mirage sûrement pour le promeneur. Les yeux d’un labidura mâle, cramés par le soleil, ceux d’un crabe à la démarche de travers, oui, mais assurément pas un Singapour Sling. Au bout du cinquième verre, les mots de son livre commençaient à danser sur un air marin. Hugues Aufrey et son Santiano ont prit le dessus sur le pain nu de Choukri et sans résister, Lily-Rose a rangé le quignon dans son sac à moitié rempli de sable. Elle a ajusté son bob pour s’offrir une protection maximale et ses yeux ont rejoins l’océan hypnotique, fixant chaque vague comme un mouton prêt à sauter la barrière des rêves. Rapidement elle a gagné à la nage une réplique quasi parfaite du Queen Mary II.  La traversée de l’Atlantique le temps de cuver ses cocktails, à raison d’une demi heure par dose d’alccol, elle se réveillera un peu avant la nuit.
Les lumières étaient magnifiques sur Staten Island. Le bateau s’est glissé, sans mal de crane, juqu’à la Upper bay et Lily-Rose, pour la première fois découvrait l’amérique. Hugues Aufrey à rangé sa guitare au moment ou le paquebot a accosté. Elle n’était pas allé jusqu’à San Francisco mais New York c’était pas mal non plus. En descendant du bateau, elle s’est rendu compte qu’elle avait les pieds dans l’eau.
La marée montante recouvrait la moitié de ses mollets. Elle a rincé son verre au creux d’une vague, remercié cette bonne idée d’avoir acheté un sac waterproof et a plié bagages.
Elle reviendra demain et juqu’au dernier jour de ses vacances. Elle ira boire des Singapour Sling un peu partout sur cette plage, s’endormira sur l’étendue d’un paragraphe et découvrira le long d’une sieste, les fascinants méandres de la ville de New York.
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