Concepteur d'image Calligraphie Malgré un intêret flagrant pour le narcissisme, l'artiste préfère ne pas étaler ici l'étendue sans horizons de sa culture et vous souhaite un bon diaporama. Merci pour lui

7.18.2012

Moustikopathe

Moustikopathe


La technique du moustique, pleine de patience et de sournoiserie.
Attendre silencieusement que la transpiration, devenue abondante, noie sous ses gouttes généreuses le baume à la citronnelle. Collé au mur, les ailes rabattues dans un silence total. Il sait qu’à la moindre trahison sonore de sa présence c’est ma sandale dans la gueule. Alors il se fait discret. 

Chaude nuit d’été sans un soupçon de vent.

Insecte du diable, festin vampirique au creux d’une de mes veines. Toujours une piqure improbable ou disgracieuse. Plutôt le bout du nez que la chair d’une fesse. A croire que le sang y est meilleur. Peut être qu’il cherche, dans la couperose d’un vieux saoulard, à puiser l’ivresse d’une cuite mémorable. Mais je suis jeune et sobre donc pourquoi ? Mon petit nez fin et aquilin, pourquoi ? 
J’ai dessiné un moustique mâle sur ma fesse gauche pour l’appâter. Je ne suis pas contre le fait qu’il se nourrisse, seulement il pourrait baqueter dans mon gras, me bouffer un peu de cellulite, à boire et à manger, une agape riche en protéines.  J’ai effacé le dessin avant que ma copine ne se paye totalement ma tête. Elle a quand même eu le temps de voir mon esquisse et de dire : 
- « Tu devrais aussi dessiner la maison de papa moustique avec sa petite boîte aux lettres et un paillasson avec le fameux Welcome. T’es vraiment con mon pauvre. » 

Le moustique semble porter en lui une capacité étrange à nous remémorer nos dures années d’acné, ou cette varicelle juvénile qui nous démangeait plus qu’une forêt d’orties. Se faire piquer sur la paupière ça n’a pas de prix. Il pourrait carrément pousser le vice jusqu’à aller nous becqueter les poumons où le foie. Profiter d’un bâillement pour s’introduire partout à l’intérieur ; un peu comme les parasites à la sale trombine dans « il était une fois la vie ». 
- « Putain ça me gratte les poumons !! Tiens toi qui a un grand bras, tu peux me passer de la crème apaisante le long de l’œsophage, je crois que c’était pas une mouche que j’ai avalé hier soir. »

Longue nuit d’été et sa fenêtre ouverte. 

La petite bête ne mange pas la grosse, la petite bête démange la grosse.
Je propose,  pour mieux illustrer le phénomène moustique, un Instant- onomatopée facilement accessible aux enfants. Parce que comme les nazis, ces salopards ne font aucune distinction d’âge : Zzzzz + Bzzzz = Grat grat. 
Le moustique européen est dégouté de ne pas avoir la toute puissance de son congénère africain. Là ou lui il propage une irritation qui passe vite de la peau à l’humeur, la version africaine distille la mort. J’ai surpris une discussion téléphonique entre Gérard, jeune moustique ambitieux français et Mambala, monstre de combat Somalien au tableau de chasse hallucinant.
-« Faudrait que tu me dises comment tu fais franchement. Paludisme, fièvre jaune, leishmaniose. Au meilleur de ma forme quand je me concentre j’arrive à filer un peu de fièvre à un nourrisson, rien de plus. »
-« C’est pas une histoire de concentration mon pote, c’est ce qu’on appelle la fatalité. On concentre toute la merde du même côté du monde, comme ça l’autre est peinard. En tout cas c’est ce que le grand chef nous a dit quand on lui a demandé pourquoi il nous envoyait en Afrique et pas en Europe. »
-« Quel grand chef ? »
-« Je sais plus comment il s’appelle, mais tu sais, l’autre, avec sa barbe. »

J’ai appris ce jour là que dieu était le chef des moustiques et qu’en cas de réclamations sur mes inconfortables démangeaisons je devais alors m’adresser au tout puissant. Peut être prier ?
L’anophèle famélique virevolte au dessus de mon tympan. Bruyant et mauvais comme un Heinkel 111 de la seconde guerre mondiale, il attend l’instant propice pour larguer son dard. Il rêve de lipomes, de pustules, de chancres et de furoncles au lieu de ce minuscule bouton éphémère. Il rêve de transformer mon corps en champs de bataille, où, planqué au fond d’une tranchée, j’agiterais mon petit drapeau blanc. Rien à foutre salopard, je me battrais jusqu’à la mort. Et que le meilleur gagne.

-« Chérie, tu me passe de la crème. Et si on dormait la fenêtre fermée ? »